
Illettrisme : « Maîtriser les savoirs fondamentaux offre une réelle autonomie »
Le programme GSF Cloé, lancé en janvier 2024 par le groupe GSF, a déjà produit des résultats concrets dans la lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme parmi ses agents. Ce programme propose 150 heures de formations annuelles .Axé sur les savoirs fondamentaux tels que le calcul, la lecture, l’écriture et l’utilisation d’outils numériques, GSF CLOE, c’est un pas de plus vers l’autonomie. Cette année, plus de 190 agents ont bénéficié du programme, avec près de 20 groupes de formation actifs à travers la France. Retour sur une action qui porte ses fruits, avec Sabine Dujarric-Oueslati, Responsable Formation.
GSF recense 141 nationalités différentes dans ses effectifs. Quels sont les objectifs d’un programme comme GSF CLOE ?
Chez GSF, nous opérons dans le secteur de la propreté et des services auprès de 7 885 clients, avec nos 159 établissements de proximité. Nous le savons, le secteur de la propreté est peu attractif, contraignant, avec des horaires décalés et une certaine pénibilité. Notre premier challenge est donc la fidélisation de nos collaborateurs. Il faut savoir que 20% des salariés du secteur de la propreté ont des difficultés avec la langue et les savoirs fondamentaux. Cela peut poser des problèmes de sécurité par exemple quand on ne sait pas lire les consignes. Mais aussi des problèmes d’incompréhension avec son manager ou avec le client. Il était donc important de pallier ce problème en proposant à nos salariés une formation dédiée.
Quels types de formations sont à ce jour proposés ?
Il existe deux formations spécifiques pour l’apprentissage des fondamentaux de la langue française :
- Maîtrise des compétences clefs de la propreté (MCCP) est une formation certifiante. Elle est dispensée sur 12 mois avec 150 heures obligatoires de présence. Cette formation permet de sortir de l’illettrisme pour les personnes francophones et d’acquérir un certain niveau de langue française pour les personnes non francophones. Elle est par ailleurs adaptée au contexte de notre secteur et permet d’échanger avec les clients, comprendre les consignes de sa hiérarchie et les exigences de sécurité, émettre des informations simples et compréhensibles. Nous proposons cette formation depuis 2012.
- Le certificat CléA s’adresse à des personnes non qualifiées et sans diplôme, souvent éloignées de l’emploi, dotées d’un certain niveau de français. Il permet d’acquérir les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul et de s’initier au numérique. La formation dure également 12 mois (soit 150 heures de formation). Cette formule mobilise les collaborateurs environ deux demi-journées en semaine.
Aujourd’hui, le groupe GSF propose ces deux formations. En 2023, avec le programme GSF CLOE (Calcul, Lecture, Outils digitaux, Ecriture), nous avons donné un grand coup d’accélérateur en facilitant l’accès aux collaborateurs. Notamment en simplifiant le process et en y associant étroitement les managers.
Quels défis faut-il relever pour mettre en place ce programme ?
Le premier défi est d’ordre organisationnel. Apprendre le Français prend du temps ! Sans compter que la formation s’étale sur plusieurs mois. Dans nos métiers, la rotation des collaborateurs en poste pour leur permettre de suivre cette formation peut être complexe. Le manager doit donc impérativement être impliqué. Sans compter que les salariés peuvent en outre être éparpillés sur différents sites… et les managers doivent les regrouper au même moment pour qu’ils puissent recevoir cette formation.
Côté collaborateurs, certains peuvent avoir du mal à admettre leurs problèmes de langue. Souvent par peur du regard de leurs collègues ou de leurs managers. Ils doivent se mettre à nu pour reconnaitre leurs faiblesses et solliciter une formation. Même si cette dernière se fait sur la base du volontariat. Aussi, les managers doivent faire preuve de tact, car il est aisé d’identifier les personnes qui auraient besoin de cette formation. Mais il est toutefois plus complexe de les leur proposer sans pointer du doigt une fragilité.
Malgré ces défis, vous avez réussi à organiser 23 sessions de formation en 2024. Quelle est la clef de ce succès ?
Nous avons fait un travail important de valorisation en interne. En complément, nous avons associé certains de nos clients à la démarche. L’Oréal par exemple a été moteur dans le programme. Leurs salariés sont devenus tuteurs de nos collaborateurs en leur consacrant une heure par semaine tous les quinze jours pour les faire travailler. Cela a permis de créer du lien ! Mais aussi de changer les regards sur le métier, de motiver et de nourrir la confiance. Ces réussites, nous les avons mises en lumière en organisant une remise des diplômes. Cela a encouragé d’autres collaborateurs à se lancer à leur tour. Il y avait de la fierté dans leurs yeux !
Quels sont les principaux bénéfices que vous constatez pour les collaborateurs formés ?
Il faut d’abord savoir que la formation était faite sur le temps de travail et financée. Et cela, ça compte ! En dehors des avantages matériels, c’est le mot « autonomie » qui est revenu le plus souvent. Autonomie dans le travail bien sûr. Mais aussi dans la vie quotidienne. Certains peuvent maintenir lire seuls leurs courriers, les bulletins scolaires de leurs enfants ou encore répondre à des mails. Un salarié m’a dit un jour : « Mes parents ne parlaient pas le français et n’ont pu bénéficier de ces choses-là. C’est une chance. » Ce programme de formation, c’est avant tout une histoire humaine. Il permet aussi de poursuivre sa carrière et de prendre ensuite des postes plus élevés, par exemple chef d’équipe.
Comment l’avenir se profile-t-il ?
Aujourd’hui 190 collaborateurs sont en formation et plus d’une vingtaine de sessions de formations sont en cours. Le programme a bien démarré ! Tout le monde sait en interne ce qu’est GSF CLOE. Nous avons désormais pour objectif de doubler le nombre de stagiaires. C’est compliqué mais réalisable. Nous avons également lancé une campagne d’affichage et optimisé la communication. Aussi, des tuteurs dans nos entreprises clientes ont pu témoigner de leur implication. Cela a été un vrai levier de recrutement. Nous sommes partenaires de l’association Stop Illettrisme qui associe formation professionnelle et tutorat bénévole pour soutenir les salariés en situation d’illettrisme, d’analphabétisme et d’illectronisme. Le modèle peut être mis en place au sein de l’entreprise pour ses propres collaborateurs ou un de ses prestataires.

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